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« Naturel », « d’origine naturelle », « dérivé naturel »… Ces termes fleurissent sur nos tubes de crème, mais savez-vous vraiment ce qu’ils signifient ? Entre marketing séduisant et réalité technique, décryptons ensemble ces mentions pour faire des choix éclairés.
Le cadre réglementaire : ce que dit la loi
Une réglementation européenne stricte sur les allégations
Les produits cosmétiques naturels sont soumis à la même réglementation que l’ensemble des cosmétiques, c’est-à-dire au règlement n°1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, et pour ce qui concerne les allégations, au règlement n°655/2013 du 10 juillet 2013 établissant les critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre.
Le principe fondamental : Toute allégation, y compris le caractère « naturel » du produit ou de certains ingrédients doit pouvoir être justifiée par des éléments probants adéquats et vérifiables.
La norme ISO 16128 : le référentiel international
Depuis 2018, la norme NF ISO n°16128-1 relative aux produits d’origine biologique et / ou naturelle harmonise les définitions d’ingrédients biologiques, dérivé biologique, naturel et dérivé naturel. Cette norme volontaire donne un cadre technique aux professionnels.
Les définitions officielles décryptées
Ingrédient « naturel » : la définition stricte
Selon la norme ISO 16128, un ingrédient naturel est :
- Issu de la nature : plantes, animaux, minéraux ou micro-organismes
- Non transformé chimiquement : Ils ne doivent pas être transformés chimiquement
- Processus autorisés uniquement : extraction physique, fermentation, séchage, distillation
Exemples concrets : Huile d’olive pressée à froid, eau de rose distillée, argile, miel brut.
Ingrédient « d’origine naturelle » : la nuance importante
Les ingrédients d’origine naturelle sont des ingrédients dérivés de matériaux naturels, modifiés chimiquement et/ou de manière biologique selon une liste de procédés autorisés.
La différence clé : Ces ingrédients ont subi des transformations chimiques, mais selon des procédés spécifiques et contrôlés.
Exemples : Tensioactifs doux issus de coco, conservateurs naturels modifiés, émulsifiants végétaux.
Le piège des pourcentages
Selon la norme ISO 16128, les dérivés de naturels pourront posséder jusqu’à 49% d’ingrédients pétrochimiques. Un ingrédient peut donc être « d’origine naturelle » tout en contenant près de la moitié de composants synthétiques !
Les seuils à connaître
Pour un produit « naturel »
Un produit cosmétique pourra être qualifié de naturel si au minimum 95% de ses ingrédients sont naturels. Les 5% restants peuvent inclure des conservateurs ou des ingrédients techniques nécessaires.
Pour un produit « d’origine naturelle »
Aucun seuil minimum n’est imposé ! Une crème peut se revendiquer « d’origine naturelle » avec seulement 20% d’ingrédients concernés, à condition de préciser le pourcentage.
Les mentions marketing à décrypter
« Formule 95% d’origine naturelle »
Ce que ça veut dire : 95% des ingrédients proviennent de sources naturelles, mais ont pu être transformés chimiquement.
Ce que ça ne veut pas dire : Que le produit est 95% naturel au sens strict.
« Aux extraits naturels »
Attention : Cette mention ne concerne que quelques ingrédients du produit, pas l’ensemble de la formule. Un produit « aux extraits de camomille » peut contenir 90% d’ingrédients synthétiques.
« Inspiré par la nature »
Marketing pur : Cette mention n’a aucune valeur technique. Elle peut simplement signifier que le packaging est vert ou que le nom évoque la nature !
Les controverses de la norme ISO 16128
Les critiques des labels bio
Chez Cosmébio, ils estiment que la norme ISO 16128 présente un fort risque de tromperie pour les consommateurs – en particulier les non avertis. Les labels bio craignent un affaiblissement des exigences.
Le risque de « greenwashing »
La norme ISO 16128 permet aujourd’hui à des fabricants de commercialiser des produits estampillés « naturels » sans pourcentage minimal d’ingrédients bio, sans liste noire d’ingrédients et sans aucun contrôle.
Comment s’y retrouver concrètement ?
Les bons réflexes
Lisez la liste INCI : Les ingrédients sont listés par ordre décroissant de concentration. Si les premiers sont synthétiques, le produit l’est majoritairement.
Cherchez les pourcentages : Un produit transparent affiche le pourcentage d’ingrédients naturels ou d’origine naturelle.
Vérifiez les labels : Cosmébio, Ecocert, Natrue ont des cahiers des charges plus stricts que la norme ISO.
Les questions à se poser
- Quel pourcentage d’ingrédients naturels/d’origine naturelle ?
- Quels sont les ingrédients principaux (les 5 premiers) ?
- Y a-t-il un label certifiant les allégations ?
- La marque est-elle transparente sur ses procédés ?
Exemples concrets avec nos marques bretonnes
Trew : la transparence totale
Cette marque bretonne affiche clairement les pourcentages d’ingrédients naturels et d’origine naturelle sur chaque produit. Elle explique aussi les procédés de transformation utilisés.
Endro : l’approche minimaliste
Avec des formules courtes (5-8 ingrédients), cette marque facilite la compréhension. Chaque ingrédient est expliqué sur le site web.
Unaöd : le terroir breton
Cette marque utilise des ingrédients bretons bruts (algues, eau de mer) avec un minimum de transformation, se rapprochant du « naturel » strict.
Les ingrédients à surveiller
Vrais naturels populaires
- Huiles végétales : Argan, jojoba, amande douce
- Extraits de plantes : Aloe vera, camomille, calendula
- Actifs marins : Algues, eau de mer (spécialité bretonne !)
Dérivés naturels courants
- Tensioactifs doux : Coco glucoside, decyl glucoside
- Conservateurs : Acide benzoïque, acide salicylique
- Émulsifiants : Cetearyl olivate, glyceryl stearate
Ingrédients trompeurs
- Parfums : Souvent synthétiques même dans les produits « naturels »
- Colorants : Peuvent être naturels ou synthétiques
- Conservateurs : Nécessaires mais souvent synthétiques
L’avenir de la cosmétique naturelle
La tendance va vers plus de transparence et de traçabilité. Les consommateurs deviennent plus exigeants et les marques s’adaptent. Les nouvelles réglementations européennes pourraient bientôt préciser ces définitions.
Notre conseil pour bien choisir
Privilégiez :
- Les marques transparentes sur leurs compositions
- Les labels certifiés indépendants
- Les formules courtes et compréhensibles
- Les ingrédients locaux et traçables
Méfiez-vous :
- Des mentions vagues sans pourcentage
- Des listes d’ingrédients interminables
- Des promesses trop belles pour être vraies
- Des marques qui refusent de détailler leurs procédés
Le naturel en cosmétique n’est pas qu’une question de marketing : c’est un choix technique et éthique. Prenez le temps de comprendre pour mieux choisir !
Sources :
- Règlement européen (CE) n°1223/2009 – Ministère de l’Économie
- Règlement européen n°655/2013 sur les allégations cosmétiques
- Norme ISO 16128-1 et 16128-2 – Organisation internationale de normalisation
- DGCCRF – « Cosmétiques : à la recherche du naturel »
- FEBEA – Fédération des entreprises de la beauté
- Cosmébio – Décryptage de la norme ISO 16128
- AFNOR – Normalisation cosmétique
